Norderlands

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Les Creiper
Partie 2 - L'Affrontement

L'affrontement


Cela fait trois semaines que le Roi Démon est revenu à la vie et s’est emparé des terres que les siens avaient gardé depuis sa disparition, à la fin de la guerre. Mis au courant qu’un groupe de mercenaire d’apparence humaine voyageait dans les terres et s’en prenaient à la population, sans distinction d’espèces, avait pour objectif de tuer les siens. La liste des quatre individus connus à ce jour, coupable d’avoir assassiner les quatre seigneurs des contrées de l’Est, était affichée dans chaque bourg du pays.
Depuis son retour, le Roi Démon ne s’en était pris à personne en particulier et avait même organisé un très grand festin où tous ses serviteurs devaient le rejoindre au palais du Sud, bâtisse qu’il avait faite construire jadis en pleine période de guerre. Il y attendrait les plus féroces démons d’antan ainsi que la majeure partie de la population de bêtes et de monstres qui lui avaient vouées allégeance par le passé.
Le soir des festivités, ce n’était pas des animaux sauvages qui sentaient fort le grillé et le fumé des buffets, mais les cadavres d’hommes, de femmes, d’enfants, servis en morceaux, ou parfois entiers, par des esclaves enchainés. Il n’était pas rare que ces derniers terminent une soirée la tête entre les jambes après les beuveries de ces bestiaires meurtriers.
À l’entrée du domaine, devant de grandes grilles sur lesquelles étaient attachées des humains fraîchement sortis des cachots et empalés vivant, se tenaient quatre démons qui discutaient tremblotants.

- Devrions-nous nous présenter au roi et demander son pardon ? Fit l’un d’eux qui se cachait sous une cape.
- Pourquoi sommes-nous encore là ? Si on nous voit, il saura que nous sommes en vie.
- Il nous tuera… Nous aurions dû nous sacrifier à son retour… Nous aurions dû… Fit un troisième qui suait à en avoir les poils qui luis.
- Reprenez-vous, chuchota le quatrième, j’ai entendu dire que notre réveil était dû à l’action de guerriers qui en veulent au Roi. Sans notre sacrifice, il n’a pu récupérer l’intégralité de sa puissance, et comme nous sommes tout de même quatre. Peut-être que…
- Tu es le plus fou d’entre nous, repris le premier, mais si c’était vrai ? Si ces guerriers pouvaient venir à bout de notre Roi, ne serions-nous pas libres de vivre ?

À côté d’eux, arrivant sur leur flanc, des individus silencieux passaient leurs chemins. Quatre personnes armées, ne se cachant guère de leurs armements, laissaient traîner pointe contre sol leurs armes métalliques. L’un d’eux portait une épée à la main, une autre brandissait un grand marteau qui sonnait de ses chaînes et de ses masses branlantes, une troisième tendait sa lance vers le sol derrière elle, et enfin le quatrième, muni d’une longue cape grise, ne semblait pas armé. Tandis que les quatre démons laissèrent passer la troupe, ils les regardèrent avec effroi et excitation à la vue des ennemis jurés de leur Roi.

- Que faisaient ces quatre démons aux portes du domaine ? Demanda la femme à la lance verdâtre, enroulée dans de la liane.
- On aurait dû les tuer. Pourquoi n’as-tu pas fait une brochette d’eux, Siola ? Ajouta le plus petit à la cape épaisse.
- Nous avons un plus gros poisson à pêcher. Siola, Caspar, nous aurons de quoi nous occuper au cœur des festivités. Gardez vos forces.
- Et voilà qu’Ataron rejoue au petit chef. Je ne ferais qu’une bouchée de ce Roi démon. Moi Aana Creiper, je vais le geler sur place, et le briserais en mille morceaux d’un seul coup de masse. Ricana la dernière.

Arrivés devant les portes d’un grand château de pierre et de fers, les quatre Creiper furent aperçus par les gardes et aussitôt mis en jougs. Les empêchant de passer, les troupes ennemies s’accumulèrent devant l’entrée sans engager le combat, attendant que l’hôte fasse son apparition. Depuis l’arrière de la foule, d’une voix forte, on entendit le Roi Démon avant de le voir :

- Ce doit être vous, guerriers, dont j’ai entendu parler à de nombreuses reprises depuis mon retour. Ainsi donc, vous avez ébranlé la paix de mon vieil ennemi et prétendez pouvoir me défaire ?

C’est alors qu’il apparue, au milieu des siens qui s’étaient écartés à sa venue.
« Cet individu aussi frêle qu’un humain, est censé être le roi de tous ces monstres ? Est-ce une plaisanterie ? » songea Aana qui regardait avec étonnement les trois autres guerriers qui s’interrogeaient tous sur l’identité réel de l’arrivant.

- Un, deux, trois, quatre. Voici donc la troupe qu’on envoie affronter le Roi Démon, moi-même. Mais vous pouvez m’appeler Cendre. C’est un héritage d’un Gardien déchu. C’est aussi comme cela que vous finirez avant que le jour ne se relève.
- Nous sommes venus ici pour te tuer ! S’avança Ataron brandissant son épée dans sa direction.
- Quelle audace… Je suis curieux. Après deux siècles enfermés, qui a bien pu préparer des guerriers tels que vous à désirer me détruire ? Qui aurait survécu à la guerre ? Aucun des miens n’a pu me le dire. Alors qui ?
- Vous n’avez pas besoin de le savoir… S’approcha Aana aux côtés d’Ataron. Trêve de bavardages, devrions nous détruire votre petite armée avant de nous occuper de vous ?

Cendre soupira, et d’un geste de la main fît amenés devant eux un esclave humain encore vivant :

- Le Gardien aurait tout fait pour sauver cette fragile espèce qui nous sert de dîner ce soir. Mais on m’a rapporté que vous n’avez que faire de leur existence. Je m’interroge. Vous semblez humains vous aussi, mais souciez-vous de cette espèce ?

Le monstre qui maintenait l’esclave s’apprêta à écarteler sa victime quand la tête de celle-ci explosa, puis la sienne dans la seconde qui suivie. Caspar s’avança à son tour auprès des deux autres, et fit virevolter sa balle métallique sur toutes les têtes ennemies qui entouraient le roi des monstres.

- C’était donc vrai. Pas de pitié pour qui que ce soit ? La mission avant tout ? Alors soit.

Instantanément, Cendre se trouva face aux trois, et s’étant équipé d’une épée, il lança un coup vers Ataron qui, pris pour cible, regardait calmement les mouvements de son adversaire. Ce dernier fut bloqué par Siola qui para l’attaque avec sa lance, fracassant l’arme ennemi sur la sienne.

Le roi tenta de prendre la parole puis pencha la tête au dernier moment, évitant la boule métallique que Caspar faisait fuser au sein de son armée et jusqu’à tenter à sa vie. La boule trancha la joue de l’ennemi et atterrit dans la main levée de son propriétaire. Tandis que Cendre tenta de se dégager, il remarqua que les lianes de la lance de Siona avaient déjà commencé à s’enrouler autour de son bras et le maintenait prisonnier de ses assaillants. C’est alors que brûlant d’un feu ardent, Ataron décocha un coup d’épée qui fit voler le bras de leur ennemi dans les airs. Le coup fut si rapide et violent, qu’il se transforma en torche et le fit carboniser avant qu’il ne touche le sol.

- Votre bras n’est plus qu’un tas de cendre, Cendre. Se moqua le chef ardent.
- Je vous ai sous-estimé, je vous l’accorde, souria-t-il.

Ce dernier se dégagea et se mit à rire frénétiquement. Il n’y avait pas de sang qui coulait de son épaule, et ses yeux brillant de rouge percevaient chaque once de magie qui parcourait la scène. Il tremblait d’excitation et se crispait de sa retenue.

- Enfin à combat excitant depuis deux siècles ? Peut-être n’êtes vous pas humains en fin de compte ! Des héritiers des Sage ? Du Gardien ? Ô qui que vous soyez vraiment, j’ai hâte de vous exterminer.
- Nous allons…

Mais Caspar n’eut guère le temps de finir sa phrase que l’autre main de l’adversaire avait déjà atteint sa gorge et la serrait férocement. Les trois autres s’étonnèrent de ne pas avoir prédit le mouvement, et se mouvèrent aussitôt pour attaquer. Caspar vola dans les airs, à plusieurs dizaines de mètres vers l’arrière, brisant les arbres et les buissons sur lesquels ils venaient d’être violemment projeter, tandis que les lames d’Ataron se polissaient au fur et à mesure qu’il atteignait le bras restant de Cendre. Quelque chose venait de changer. À force des coups échangés, les habits de leur ennemi se déchirèrent et la fratrie aperçu le noir profond qui recouvrait le corps qu’ils frappaient.
Aana quant à elle martelait le sol en tentant d’atteindre sa cible, et ses chaînes tournoyaient elles aussi dans l’air, réchauffant l’air et balayant tout sur leur passage. Mais ses frappes dévastatrices semblaient trop lentes pour l’atteindre.

C’est alors que le roi s’élança sur elle et la percuta d’un coup de pied en plein ventre, la faisant tomber au sol. Il se pencha vers elle souriant et attrapa la masse qu’il tenta de porter à son tour, mais en vain.

- Qu’est-ce que…
- Laissez tomber, rétorqua Aana qui se relevait avec douleur.

Le poing du démon s’élança vers le visage de la femme qui en fut sauver par Siola à la lance indestructible. Sur celle-ci, ce n’étaient plus des lianes qui s’élancèrent vers le manchot, mais des serpents aux morsures mortels. Et tandis qu’il se recula pour éviter l’animal, les épées de feu d’Ataron transpercèrent le dos de son adversaire qui s’empala sur celles-ci. Sans le laisser souffler, Siola s’élança dans les airs pour prendre de la vitesse et assaini un puissant coup de lame sur la tête du démon qui s’arracha de son corps.
Les monstres qui virent ça depuis le palais se mirent à se bousculer de peur et à tenter de fuir par tous les moyens, tandis que les quatre Creiper se réunissaient autour du cadavre démembré de leur adversaire.

- C’est chose faite.
- Superbe coup de lance, Siola.
- Merci Aana.
- Il était fort, certes, mais pas autant qu’Eila ou de...
- Ne me parle pas de ce bâtard ! S’énerva Ataron.
- Eila ? Qui est Eila ? questionna la tête sur le sol.

Ils se reculèrent tous en observant le crâne se mouvoir.

- Est-ce cette Eila qui vous envoie ? Qui est cette personne ? Ce nom ne me dit rien du tout.
- Comment est-ce possible ? Fit dépiter l’épéiste.
- Ah, c’est vrai que vous êtes fort, pour des guerriers. Mais…

La tête de Cendre recouvra son corps noir, puis quand elle fut en place, son deuxième bras se mit à se reconstituer rapidement sous le regard inquiet de la troupe.

- Votre agilité et vos coups sont plus forts que mes meilleurs guerriers, mais vous n’êtes pas de taille à m’affronter. Je m’attendais à mieux. Ah, Gardien, n’y a-t-il donc personne qui ait suivit tes traces ? S’étonna-t-il avant de s’adresser de nouveau au groupe. Je me suis laissé faire pour en apprendre davantage. Vous n’êtes pas si redoutable que cela, même à quatre contre un.
- Comment est-ce possible, nous l’avons coupé en deux ! S’exclama Siola.
- Régénération accélérée, c’est le terme magique. Je maîtrise bien plus de sorts magiques que vous ne semblez en avoir. J’ai dix sorts magiques en permanence actif, mais je m’étonne ne déceler aucune sorte de magie tout autour de vous. Vos armes quant à elles en sont imprégnées… C’est étrange.

Caspar attrapa les bras d’Ataron et de Siola en les faisant signe de la dangerosité de leur adversaire.

- Serait-ce à moi d’attaquer à présent ? J’ai une promesse à tenir. Je saupoudrerai la viande humaine avec vos cendres, et entamerai l’annihilation de l’humanité après cela.

C’est alors qu’il s’élança si vite vers Aana au marteau, que le sol se brisa sous ses pas. Et tandis qu’il s’apprêta à déferler toute sa puissance sur elle, ses yeux aperçurent une leur magique atypique un peu plus loin. Ses pupilles rouges captaient l’essence magique de tout ce qui l’entourait et de tous les êtres qui en possédait. Au loin, à centaines de mètres de lui, quatre individus étaient emplis d’une magie qu’il connaissait bien : la sienne.
« Serait-ce les quatre derniers ? » s’interrogeait-il en perdant toute envie de se battre, ignorant alors ses adversaires. Il continua d’avancer sans ne plus prêter attention aux Creiper, obnubilé par l’attractivité de cette magie qui lui appartenait.
Les trois autres surpris qu’Aana soit encore en vie décidèrent de fuir la zone avant qu’il ne recouvrât ses esprits.

- Démons ! s’écria le roi en arrivant auprès des siens.
- Le Roi…
- Le Roi D… D… Démon.
- Notre Roi…
- Il est là.
- Quatre et six qui font dix, ricana Cendre en observant la scène.

Du palais au loin, les monstres qui avaient vu leur Roi se reconstituer sous leurs yeux, entendirent à présent les hurlements de souffrance des démons qui l’avaient trahis à son réveil, et observèrent le ciel qui laissait apparaître des éclairs rouges partant de l’horizon et traversant les nuages, éblouissant le ciel d’un rouge démoniaque. C’était l’avènement du retour du Roi Démon. Cendre venait de récupérer tous ses pouvoirs.