Épousailles
Nul ne savait pourquoi Aishi, dont la réputation et le titre diplomatique était reconnu mondialement, avait pris la décision de trouver une épouse au sein de cette famille, dans une contrée chinoise si loin de chez lui.
Certes, cette famille disposait d’un titre honorifique respectable, mais elle était bien loin d’être équivalent à celle de l’homme occidental. Et pourtant, il avait traversé le monde des semaines durant afin de pouvoir se présenter ce jour-là, à la famille Fa, pour demander la main de leur seule fille, la demoiselle Yulan.
En ce jour printanier, au sein de la grande demeure entourée de bois de bambou et dont les jardins verdoyants et coloré se mêlaient au croissement des grenouilles, Aishi fut accueillis par le père et installé dans la grande salle de réception où il rencontrerait bientôt sa promise.
S’il était évident que pour la famille de l’épouse, un tel honneur aurait des répercussions sociales et financières pour la famille, Aishi quant à lui avait imposé une seule volonté avant que le mariage ne soit effectif, que celle qu’il comptait épouser le souhaita aussi.
La pression sur les épaules de la jeune fille était telle que ce mariage permettrait de transmettre le titre honorifique d’Aishi à son épouse ainsi qu’à toute la famille, et de cette union, les richesses inestimables de l’étranger seraient en partie dû à son épouse.
Quand Yulan entra alors dans la salle, Aishi se prosterna intégralement, descendant les mains devant lui jusqu’au sol, et gardant ainsi, face contre terre, tout son être. Il n’était pas coutume que l’homme se prosterne ainsi devant sa fiancée, mais aucun ne tenta de l’en empêcher ou d’en faire la remarque tant il était important qu’Aishi se plaise dans cette situation. Sans même n’avoir vu leur visage respectif, Aishi et Yulan se prosternèrent face à face dans un silence que même une mouche n’osait déranger.
De longues minutes passèrent ainsi, sans qu’aucun ne bougea. Puis, dans un chinois approximatif, Aishi se présenta à sa future femme, lui promettant d’être bon avec elle et qu’il souhaiterait s’entretenir avec elle uniquement.
Ils se relevèrent tous deux en même temps, découvrant peu à peu l’individu qu’ils avaient en face d’eux ; d’un côté un homme plus grand que la moyenne, au regard vert et aux traits occidentaux, tandis que de l’autre côté se trouvait une jeune femme, de quinze ans au moins sa cadette, d’une ravissante chevelure noire, comme la couleur de ses yeux mais dont le regard et le sourire amusée et intriguée laissait transparaître une véritable gentillesse et bonté d’âme.
Ils se regardèrent ainsi quelques instants, sans se quitter du regard, jusqu’à ce que la famille se retira pour ne les laisser que tous les deux.
- Aishi, merci de nous faire l’honneur de votre présence.
- Yulan, appelez-moi Aishi. J’espère que nous pourrons faire plus ample connaissance.
- Aishi…Aishi. Laissez-moi vous servir un peu de thé.
- Très volontiers. Je vous en remercie.
Ils discutèrent de leur vie, de leur projet, de ce qu’ils aimaient ou ce dont ils aimeraient faire. Mais suggérant à Yulan d’être honnête et de pouvoir tout lui dire en sa présence, Aishi fut surpris qu’elle le prenne au pied de la lettre et lui posa la question suivante :
« Aishi,pourquoi demander à m’épouser ? Non pas que je regrette votre décision, ni ne ferait l’affront d’un scandale ni pour vous, ni pour ma famille, mais vous venez d’une contrée si lointaine, et votre titre est bien supérieur au nôtre, alors je m’interroge. »
Il apprécia sa sincérité et cette question, personne encore n’avait osé le la lui poser. Il fut sincèrement touché que la femme qu’il souhaitait épouser soit celle qui ait le plus de courage pour le faire, au risque de le blesser, ou de ternir l’image de son éducation.
« Yulan, si vous le permettez… »
Elle l’interrompit pour lui prier de l’appeler par son prénom dorénavant.
« Yulan, ne craignez pas que je vous veuille un quelconque mal. Cela fait une dizaine d’années maintenant que je recherche une personne qui me corresponde. Et même si nous ne nous sommes encore jamais rencontrés auparavant, je sais que vous savez de quoi je parle. Je le vois à votre regard, à votre gestuel. J’ai découvert que vos ancêtres et les miens partageaient le même secret et que vous êtes aujourd’hui, la seule héritière de cet héritage ancestral. »
Elle lui sourit pour la première fois. Elle acquiesça et fut sincèrement enjouée que cet homme comprenne le fardeau qu’elle cacha au monde depuis qu’elle était toute jeune. Car pour tous ceux autour d’elle qui l’avait entendu jadis se plaindre de ce qu’elle voyait, d’aucun autre en était capable et il a échappé de peu de se retrouver rejeter pour une capacité qui avait été oubliée voire reniée depuis de longues dynasties durant.
« Ma chère Yulan, je souhaiterais vous montrer bien davantage. Car votre don et le mien sont liés, et ensemble, nous pouvons non seulement voir, mais également agir dessus. Accepteriez-vous de m’accompagner dans les bois ? »
Yulan fit un bref mouvement de la tête pour confirmer son souhait de l’accompagner. Ils marchèrent ensemble jusqu’à ce que les longues et hautes tiges de bambous recouvrissent le ciel, laissant la lumière des chandelles éclairer leurs pas.
Tandis qu’une brise légère caressa leur visage, et qu’ils se regardèrent l’un l’autre sans ne plus se perdre du regard, Aishi pris la main de Yulan et la magie de l’instant s’opéra.
Du souffle qui parcourait le bois, un dragon de lumière apparu, se tortillant entre les tiges, prenant source dans les lanternes lumineuses et se reflétait jusqu’aux iris du couple.
« Yulan,le voyez-vous ? » Demanda-t-il en fixant passionément son hôte.
« Je nous vois, tous les trois, vous, moi, et ce dragon. » Répondit-elle les larmes aux yeux, mêlés à une joie qui se prononçait sur ses lèvres.
De son autre main, il essuya ses larmes et lui promis d’être à ses côtés pour toujours.